Dessin, animation & installation
La Fondation Fellini pour le cinéma, Sion
Décembre 2020
(Néo)réalisme
S’il est vrai que les premiers films de Fellini s’inscrivent dans la tradition néoréaliste, il affiche dès le début un souci de « subjectivité des personnages ». Rapidement, son credo artistique se défini comme suit : « regarder la réalité avec un œil honnête - mais toute sorte d’honnêtetés ; pas seulement la réalité sociale, mais aussi la réalité spirituelle, la réalité métaphysique, tout ce que l’homme possède. » Fellini n’a jamais fait de films sur la classe ouvrière. Il a fait des films sur des personnes bien plus désespérées que cela - les marginaux, les loufoques dépourvus de classe sociale. Il aborde des sujet sur lesquels on peine à mettre des mots : la cruauté d’exister, l’innocence humaine, la folie et le pouvoir de l’amour. Il n’a jamais été néoréaliste. Il était le plus grand réaliste de tous.
Dans le film I Vitelloni de 1953, cinq jeunes rêvent de succès en existant paresseusement dans un petit village italien. Le film fait le premier plongeon dans plusieurs thématiques dominantes de Fellini : l’arrêt soudain du développement intellectuel et émotionnel chez l’adulte, le mariage et l’infidélité, la vie des villages par rapport à celle des villes. Le film créé un portrait vivant d’une expérience qui concerne toutes les générations et cultures et ne manque pas à produire un sentiment intense de nostalgie.
Ce panorama au fusain vous amène auprès de cinq trentenaires vivant dans des villages valaisans. Leurs expériences, leurs attentes, leurs idées et ambitions restent les mêmes que celles des Vitelloni 67 ans plus tard, ici en Suisse. Voyagez dans cette série de dessins comme vous pouvez voyager dans un travelling du film. Remarquez et interprétez leurs peurs, leurs désirs, leurs déceptions, leurs bravoures... et repartez de cette scène vers la continuation des vôtres.
Casting
Federico Fellini recevait des milliers de photos et lettres de la part de personnes souhaitant apparaître dans ses films. En cette année de son centenaire, j’ai reçu une centaine de selfies et emails de personnes souhaitant apparaître dans cette salle d’exposition qui célèbre la vie et l’oeuvre du Maestro.
Mon idée du casting va au-delà de ce que l’on appelle le casting de stéréotypes. Je cherche des incarnations en chair et en os de mes personnages imaginés. Peu importe qu’ils soient acteurs professionnels ou qu’ils n’aient jamais joué auparavant... Mon travail est de faire ressortir le meilleur de chacun. Habituellement, je ne cherche pas des visages inoubliables. Les visages inoubliables sont faciles à trouver. Le plus difficile est de trouver des visages oubliables.
« Je n’essaie jamais de changer un acteur pour qu’il corresponde à un rôle, car ce n’est pas possible. Il vaut mieux ne pas essayer de changer l’acteur, mais de changer le rôle pour l’adapter à l’acteur. »
La Dolce Vita
Dans La Dolce Vita, Fellini a choisi des stars pour jouer leur propre personnage de star. Elles ont été choisies pour leur image mais aussi pour jouer des personnes réelles - et d’une façon plus rigoureuse que dans la pratique néoréaliste classique, puisque Fellini les a choisi non pas pour ce qu’elles sont en tant qu’individus, mais pour ce qu’elles représentent. Anita Ekberg est choisie non pas en tant qu’Anita Ekberg, mais comme l’un des multiples clones de Marilyn Monroe de l’époque.
Sylvia (jouée par Anita Eckberg) est magnifique, délicieuse, pétillante et égoïste. Marcello est charmant et faible, cherchant mais ne trouvant jamais son chemin, n’abandonnant jamais ses affaires et ses fêtes, mais ne s’en contentant jamais non plus.
Noémie Schmidt est Sylvia, Lionel Fournier est Marcello. Ils incarnent tout deux la vocation artis- tique contemporaine, un destin qui dépasse le perimètre de notre région. Tout comme Anita et Marcello, ils représentent plus que ce qu’ils sont. Au delà de symboliser le rapprochement en- tre rêve et réalité, ils portent pour nous l’espoir d’une destinée grandiose, d’un dépassement de l’ordinaire, d’un idéal insaisissable. Leur taille sur ces dessin est monumentale, car même sur le plus petit des écrans, ils apparaissent comme des géants, des stars.
Ils forment le couple qui fait rêver, mais qui devient impossible au-delà du fantasme. Ils s’avan- cent l’un vers l’autre dans la fontaine de Trevi, elle bénit sa tête avec de l’eau. Il approche ses lèvres vers les siennes. Que signifie le plus grand non-baiser de l’histoire du cinéma ? Il signifie attente, désir, désamorçage d’une bombe sur le point d’exploser. Le jour se lève et le rêve se diffuse. Chacun se retrouve à nouveau seul, face à lui-même, face au monde.
Le dessin, le film
Alors qu’il était encore au lycée, Federico Fellini commençait à se faire connaître en tant que caricaturiste. Afin de promouvoir les films, le directeur du cinéma Fulgor de Rimini l’a engagé pour dessiner des portraits de stars. Il échangeait ses dessins contre des billets de cinéma, commençant ainsi une relation entre son imagerie graphique et cinématographique.
Fellini et moi nous rejoignons au plus proche dans notre fascination pour l’humain et le dessin. Je voulais me rapprocher de lui en redessinant des scènes de ses films et découvrir à quoi elles auraient pu ressembler s’il animait ses croquis. Son processus créatif qui traduit ses rêves et son imagination en dessins puis en film est si fluide que l’on pourrait croire qu’il n’existe pas d’autre manière de le faire. Avant d’admirer l’oeuvre globale et finale du réalisateur, j‘admire et cherche avant tout à mettre en valeur dans cette exposition l’originalité et la merveille qu’est son approche artistique générale. Dans un monde qui formatte, qui canalise l’énergie créative dans divers systèmes, ce qui se révèle chez Fellini pour moi est sa fidelité à lui-même, son dévouement à la liberté de créer et son détachement de tout le reste.
Saurez-vous deviner quel films sont représentés ?